La double inconstance de Giorgio

Publié le par Murielle Morier

La double inconstance de Giorgio

Fosca de Igino Ugo Tarchetti

La trame :

1869. L’histoire se déroule entre Milan et une petite localité indéfinie du nord de l’Italie où stationne le régiment de Giorgio, un séduisant officier partagé entre deux femmes. Alors que l’une est belle comme chaque nouvelle aurore, l’autre ferait « fuir le diable » tant son aspect est repoussant. La première répond au doux prénom de Clara, la seconde s’appelle Fosca, qui peut se traduire par « sombre », « obscure », « sinistre » ; des mots encore bien loin de cerner l’image d’une pauvre créature que l’auteur se fait un malin plaisir d’accabler.
Vous l’aurez compris Clara et Fosca sont aussi différentes que le Jour et la Nuit et on sent, entre les lignes, que Tarchetti aime jouer avec les contrastes. Mais ici, comme l’affreuse donne son nom à son plus célèbre roman, c’est elle qui éclipse la lumière !

La garnison du beau Giorgio est commandée par un colonel cousin de Fosca, qui l’invite régulièrement autour d’une table où se retrouvent des hôtes frustes et mal dégrossis. Inutile de dire que Giorgio sort du lot et qu’il n’en faut pas moins pour éveiller l’intérêt du laideron. De son côté, bien qu’entiché de Clara, épouse adultère et mère d’un enfant, le militaire au cœur sensible éprouve une sorte d’attraction morbide pour la femme dont le couvert est dressé mais qui se fait désirer…
Ainsi l’attente se focalise un temps autour de cette convive fantomatique, qui alimente encore plus le fantasme de ses cris déchirants. Oui, comme si ça ne suffisait pas, en plus de son extrême laideur, Fosca, atteinte d’un mal incurable, est souvent saisie de terribles crises d’hystérie. Et le phénomène tardera à faire son apparition car Tarchetti ménage l’effet de surprise.

L’idée :

Voir au-delà des apparences, plutôt intéressant comme angle d’approche. Que Quasimodo s’amourache d’une jeune beauté, cela va presque de soi. Quand les rôles s’inversent, on se pose des questions. Comment se fesse ? Les réponses, de l’ordre des suppositions, ne sont généralement guère honorifiques pour la femme hideuse. L’horreur doit avoir des « talents » cachés ou alors des lingots sous le matelas, c’est pas Dieu possible autrement ma bonne dame. Alors, si le beau militaire a un tant soit peu d’amour-propre, hormis de la pitié que pourrait-il bien ressentir pour Fosca ? Sentiment, au demeurant dangereux, qui risque de l’emporter sur l’impétueux sentier de la passion.
L’habileté que mettra la sombre héroïne à conquérir son Giorgio intrigue, car celui-ci finira par lui trouver du talent et même une distinction tout à fait spéciale.

L’atmosphère :

L’esthétique du roman flirte avec le gothique. Dire que Fosca n’a pas un physique facile relève de l’euphémisme. Sa maigreur, son teint livide évoquent une déterrée tout droit sortie du tombeau. On peut donc trouver à Fosca certaines affinités avec des êtres de la nuit suceurs de sang. Métaphore de ce que risque ce bel officier, pris entre deux feux sur le front des sentiments. Prends garde Giorgio ! Et ménage tes ardeurs car l’amour est contagieux…

Lu en VO (italien)

Igino Ugo Tarchetti a disparu en 1869, année de parution de Fosca.
Ses écrits sont désormais dans le domaine public. Alors il se peut que je me dise un jour Avanti ! pourquoi ne pas donner une nouvelle jeunesse à des textes du dix-neuvième siècle en les traduisant en français ?! 🇫🇷 🇮🇹

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