Traversée du disert

Publié le par Murielle Morier

Traversée du disert

Celles d’Hébert de Anton Beraber

L’action se déroule quelque part en France dans une ville seulement désignée par la lettre E. L’intrigue se joue à l’intérieur et aux abords d’un immeuble situé rue du 19-Mars. Deux quidams ; l’un s’appelle Hébert, il occupe vraisemblablement le rez-de-chaussée, l’autre, le narrateur, un illustre inconnu (puisqu’on ne connaîtra jamais son identité) loge au-dessus.

On ne choisit pas sa famille prétend le dicton populaire et, selon toute probabilité, ses voisins encore moins. Ce sont donc les hasards de la vie qui ont mené le narrateur en question à côtoyer ce Hébert, qui donne son nom au livre. Un drôle de zigue celui-là… Hébert en effet « parle bizarre ». Et il faut réussir à le suivre… Dès les premières lignes filtrent quelques informations sur l’apparence physique de celui-ci. Ainsi Hébert qui n’en est plus à sa prime jeunesse traîne un passé familial assez flou ; il est devenu borgne dans des circonstances plutôt glauques et a de surcroît une oreille contrefaite… Bref, on n'en croise pas souvent des phénomènes de ce genre.
Par la force des matériaux peu isolants et d’une curiosité instinctive qui en pousse certains à se mêler irrépressiblement des oignons des autres, la cohabitation se mue en promiscuité entre ces deux-là. Un huis clos qui tutoie vite la claustrophobie et on se demande bien où tout ça va nous mener tandis qu’au fil du temps se noue une amitié improbable entre deux êtres. Le narrateur en viendra même à regretter qu’Hébert n’ait pas davantage marqué les esprits… mais je n’en dirai pas plus.

On est d’emblée désarçonné face à la logorrhée hallucinée de Hébert dont la psychose se décline en mille obsessions. Avec une prose à la fois hermétique et baroque pour emballer le tout. Alors ça prend ou ça lâche, ça passe ou ça lasse. Dans mon cas, j’ai voulu coûte que coûte en savoir plus parce qu’au milieu de ces deux individus, il y a « celles » d’Hébert. Soit, mais qui sont-elles ? Question lancinante qu’on se pose peut-être pas pendant un bail mais au moins tout au long d’une bonne partie de la lecture. Des femmes donc dont on entend parler et qu’on ne voit jamais. Et on se demandera aussi ce qu’elles ont bien pu faire pour mériter de se retrouver dans cette histoire.

À l’issue de ce récit, je peux dire que le style avec son écriture très travaillée, ciselée même, rend l’expérience de lecture inédite.
On peut aussi dire qu’on ne regardera plus son voisin du dessus, du dessous, de palier, de table… et que sais-je encore de la même façon. Je remarque aussi que cette dernière considération sonne comme une banalité. Mensongère qui plus est parce qu’en effet je ne connais personne qui ait déjà regardé son voisin de la même façon.

Ayant reçu ce livre par Service Presse, je dois aussi saluer l’humour de l’éditeur qui utilise un timbre spécial à l’attention des destinataires d’exemplaires gratuits. À la fin de l’ouvrage, j’ai donc pu lire sur le mien en gros caractères et à l’encre rouge : « Service de presse. Ne peut être vendu que par un bon gros connard de soi-disant journaliste pourri bon pour la poubelle. » Message reçu.

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