Joe, Jean, Marlene, Marcus et les autres

Publié le par Murielle Morier

Joe, Jean, Marlene, Marcus et les autres

Joe Hartfield, l’homme qui voulait tuer Donald Trump de Jean Calembert

L’histoire : Un titre énigmatique pour ce livre aux allures de bio-roman, qui retrace le parcours de Jean Duchêne, le narrateur né en 1942, qui, à l’âge vénérable de 77 ans, regarde en arrière.

Par cette rétrospective, notre protagoniste se raconte. Jeune alors, un brin naïf et idéaliste, il quitta sa Belgique natale pour étudier aux États-Unis, où il fera des rencontres déterminantes pour sa construction personnelle.

En 1960, Jean a donc l’âge des nouvelles expériences et il va découvrir un nouveau monde à la fois fascinant et démesuré jusqu’au paradoxe. En effet, d’un côté, l’Amérique, ce pays où coulent le lait et le miel, est bien une merveilleuse terre d’opportunités. De l’autre, cette grande nation opprime sans scrupules certains de ses ressortissants, en l’occurrence les minorités ethniques. Pourtant certains tirent leur épingle du jeu, au point de parfois frôler la caricature, celle popularisée par le fameux biscuit Oreo qui est « noir dehors et blanc dedans », un symptôme de bien des dysfonctionnements sociétaux que même Barack Obama, le premier président des États-Unis de couleur noire, n’aura pas résolus. Un tableau peu reluisant, reflet du mal de vivre de Joe Hartfield, un artiste afro-américain au talent pourtant reconnu, qui deviendra l’ami de Jean et dont l’amitié traversera les vicissitudes de la vie… pour nous conduire à l’époque actuelle. Et donc à Donald Trump… À qui Joe ne veut apparemment pas que du bien !

Ressenti : 

Le narrateur porte un regard humaniste sur un itinéraire bien rempli. Le sien. L’itinéraire d’un enfant gâté par la vie. Une vie sur laquelle il se retourne du haut de ses 77 printemps. Quand il ouvre son cœur, celui-ci explique qu’il a toujours été plus attiré par les marginaux, les individus nés du mauvais côté de la barrière que par les gens aisés. Ce qui explique en partie cette amitié indéfectible envers Joe, l’Afro-Américain.
Même si l’histoire s’inspire vraisemblablement d’une réalité que l’auteur a frôlée de près, ce livre se lit comme un roman. On a l’impression de voir défiler les images d’un film. Un film de Claude Sautet par exemple mais remis au goût du jour. Un film où l’on entre dans l’intimité de plusieurs personnages : celle de Jean et de ses amis. Avec comme bande-son un air de jazz, car la musique aide à vivre, elle agit en effet comme une thérapie pour amortir les soubresauts de l’existence.

Ainsi, au-delà des enjeux de société, cette rétrospective retracée sur un style personnel très attachant offre une vue d’ensemble sur plusieurs chemins parcourus… C’est riche, foisonnant, passionnant. Émouvant par moments. Les joies, les peines, les séparations provisoires ou définitives de la vie toucheront tout un chacun. Quand parfois l’érotisme s’invite au creux des pages, la légèreté entre dans la danse avec des mots qui charment comme un philtre d’amour, font sourire comme un philtre d’humour. L’humour, la légèreté, la fantaisie filtrent d’ailleurs des pages malgré la gravité du propos : le désespoir, la dépression, le vieillissement, les problèmes d’argent, le syndrome d’Asperger, tout y est abordé avec beaucoup de sensibilité.

En refermant ce livre, on sent que son auteur a pris un grand plaisir à composer un vibrant hymne à la vie. Ses lignes nous invitent à écouter du jazz en dégustant un bon verre de vin. Ici, on joue à la pétanque aussi, on se sustente avec des bouquettes et tant d’autres mets délicats. Et, dans la lumière provençale d’un matin d’été, une balade à vélo improvisée rappelle au détour d’un chemin toute la nature sauvage des Rocheuses, car il existe toujours un ailleurs et un après tant que s’ouvre devant nous le champ des possibles. Oui, Jean, la vie est belle.

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