Le génie du mal

Publié le par Murielle Morier

Le génie du mal

Monstrueusement humain d’Élodie Morgen

Ce livre contient un double avertissement : l’un met le lecteur en garde, certains thèmes étant susceptibles de heurter les âmes les plus sensibles, l’autre s’adresse à l’héroïne dont la mère a un jour intimé sa fille de ne pas se fier aux apparences, car les véritables monstres ne sont pas ceux qu’on croit. Le récit met ainsi en exergue les abus de toutes sortes à l’aune des rapports de domination : on y parle de maltraitance infantile, de trafic d’êtres humains, d’esclavage sexuel, de violences psychologiques et physiques, d’expérimentation médicale sans scrupules ni conscience.

D’Alsace jusqu’au Cambodge, le récit promène le lecteur au fil des mésaventures d’Angélina dite Lina, qui traîne un passé douloureux. Enfant maltraitée, elle a fui l’enfer domestique en fuguant à l’âge de 16 ans et survit depuis dans la rue. L’histoire prend un tournant décisif le jour de ses 19 ans, quand un vent perfide place sous ses yeux l’annonce d’un journal recherchant des cobayes humains. Avec à la clé une coquette somme d’argent. Tentant. Pour qui se trouve dans la mouise. À ce stade, Lina ne se doute pas encore qu’elle va tomber de Charybde en Scylla. Elle sera alors livrée aux griffes du docteur Brainchips, un savant fou et sadique auquel un méchant de cinéma à la Tarantino aurait pu prêter ses traits et ses mimiques, une espèce de Christoph Waltz au sourire carnassier, à la fois cynique et sans pitié. Un scientifique qui a inventé un implant révolutionnaire…

Quel rôle joue la peur sur la psyché ? Où vont donc se loger nos angoisses les plus enfouies ? Même si Lina va payer un lourd tribut aux délires de ce triste individu, après moult rebondissements, elle parviendra néanmoins à s’échapper de la clinique aux côtés d’une autre captive : Meng, une jeune Cambodgienne de 12 ans dont l’innocence a également été bafouée et à qui jusqu’ici la vie n’a pas fait de cadeaux.

L’histoire appartient à la littérature fantastique, ce qui fait que l’atmosphère désenchantée se voit tempérée par d’intenses moments d’évasion empreints de poésie baroque et d’exotisme. De pas mal d’humour aussi. La confrontation au surnaturel apporte toute la légèreté nécessaire. À un moment de l’intrigue, notre héroïne succombera-t-elle au charme monstrueusement attirant d’un être à la beauté vénéneuse si caractéristique des buveurs de sang ? La plume addictive que l’autrice a trempée dans l’hémoglobine nous balade d’illusions en faux-semblants sans faire oublier que très souvent l’horreur la plus sordide prend racine dans le réel.

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :

Commenter cet article